Épisode #6 : Biais de confirmation
ou "Pourquoi vous êtes vraiment, vraiment, vraiment de mauvaise foi"
Avant de plonger dans le biais de la semaine, j'ai besoin de vous pour construire la prochaine newsletter !
Pouvez-vous prendre 12 secondes de votre temps pour répondre à cette unique question sans tricher sur Google ?
C'est fait ? Merci ! Allons-y.
La Définition Officielle™
Le biais de confirmation est la tendance que l'on a à favoriser les informations qui vont dans le sens de nos opinions. Autrement dit, on retient ce qui nous arrange.
L’expérience qui a lancé le débat
On se doutait que ce biais existait depuis un bon bout de temps. On en retrouve des citations et des définitions depuis l'Antiquité. Mais les expériences scientifiques ont réellement commencé en 1960 avec l'expérience de Wason :
Wason voulait vérifier si les “jeunes adultes intelligents” (🙄) utilisaient plutôt un raisonnement énumératif (je formule une hypothèse, puis je cherche d’abord d’autres exemples) ou un raisonnement éliminatif (je formule une hypothèse puis je cherche d’abord des contre-exemples).
Pour cela, Wason propose un jeu à des étudiants. Il défini arbitrairement une règle pour juger les groupes de 3 nombres. Grâce à cette règle, il peut dire pour chaque triplet de nombre s’il est OK ou KO. Il montre un premier exemple qui satisfait la règle : (2, 4, 6).
Il met ensuite au défi les étudiants de trouver la règle initiale. Ils ont le droit de proposer d'autres triplets, auxquels il répondra par “OK” ou “KO”. Par exemple, dans le cas de l'expérience, (3, 6, 9) est OK, mais (9, 12, 3) est KO.
Résultats :
Ce que Wason observe, c'est que la plupart des participants font la même chose : ils pensent à une règle, par exemple “Le troisième nombre est la somme des deux premiers”, puis ils ne donnent ensuite presque que des triplets qui vérifient cette règle : (1, 2, 3), (5, 7, 12), etc. Ils vont rarement proposer des triplets qui ne collent pas à leur hypothèse. Pire que d’utiliser un raisonnement énumératif, ils ne cherchent même pas de contre-exemples. C’est l’apparition expérimentale du biais de confirmation.
D'autres expériences plus poussées sont alors menées pour vérifier le biais de confirmation, et en comprendre les mécanismes.
Pas un, pas deux mais bien trois biais de confirmation !
Les études suivantes ont en fait démontré qu'il existait trois formes de biais de confirmation.
1. La recherche unilatérale d'information - Dans cette première forme, c'est notre capacité à s'informer qui est pointée du doigt. Comme dans l'expérience de Wason, nous avons plutôt tendance à chercher des informations qui valident nos opinions, plutôt que de chercher des points de vue opposés pour tester nos convictions. Ou, plus pernicieux, c'est ce qui nous fait essayer plus fort de réfuter les informations qui ne vont pas dans notre sens. Par exemple : Je suis sûr que A est vrai et que B est faux. Je vais chercher à prouver que B est faux. Par contre je ne vois pas l’intérêt de chercher si A est faux aussi.
2. L'interprétation biaisée - Dans cette seconde forme, c'est notre capacité d'interprétation qui est mise en cause. C'est ce qui nous fait dire “c'est l'exception qui confirme la règle”. On diminue l’importance des contre-exemples (voire on les ignore complètement).
3. La mémoire biaisée - Enfin, notre propre mémoire est sujette à ce biais : nous nous remémorons mieux les informations qui vont dans le sens de nos opinions (étude originale). Une des principales causes du fameux : Ah, c'était mieux avant…
La théorie c'est sympa 2 minutes, mais on peut avoir du concret ?
Bien sûr ! Je vous épargne les 9 sections de Wikipédia qui parlent des conséquences dans le monde réel (effet chambre d'écho sur les réseaux sociaux, études scientifiques enterrées, crise financière de 2008…) , et je vous explique directement comment détecter le biais de confirmation et s'en défaire.
Le détecter chez les autres, c'est simple : il suffit de voir qui est de mauvaise foi.
Le détecter chez soi par contre… c'est une autre paire de manches. Vous avez heureusement déjà entendu certains de ces mécanismes de défense pour combattre les Fake News. Il ne reste qu’à les appliquer sur vos propres convictions.
Cherchez activement des sources contradictoires (Êtes-vous sûrs que la Terre est ronde/plate ? Que le sport est bon/mauvais pour la santé ? Que l’hypnose fonctionne ? Qu’il faut faire une cure détox ? Que le monde n’est pas une simulation d’aliens ? Que cette newsletter n’est pas complètement bullshit ?)
Acceptez qu’il est normal d’avoir tort : plus vous vous tenez en haute estime, plus vous aurez peur de vous tromper et moins ouverts d'esprit vous serez. Rappelez vous le biais de Supériorité Illusoire : tout le monde se croit supérieur à la moyenne, donc restons humbles 😉
Ma méthode préférée : jouez l'avocat du diable. Défendez sincèrement l'opinion adverse. Cela aiguisera en plus vos talents de débatteur et entraînera votre empathie (#erreurFondamentaleD'Attribution)
C’est tout pour aujourd’hui, et pour le mois d’août (et oui, écriture et randonnée vont être difficiles à concilier).
📆 La prochaine newsletter sera à la rentrée, le 5 septembre. Elle est déjà écrite et elle parle de plein de sujets politiques et polémiques. J’ai hâte 😈
Et comme toujours, ça m’aide beaucoup de connaître votre avis ! Vous pouvez aussi utiliser la section commentaires ci-dessous 😉